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Les profils couleur
Qu'est ce qu'une couleur ?
On pourrait rependre la présentation classique des cônes et bâtonnets dans l'œil, le système neuronal à la sortie de l'œil, etc., mais en fait, tout ce qui nous intéresse ici, c'est qu'un humain à qui on présente deux objets colorés peut dire s'ils sont de la même couleur ou non, sans pour autant savoir précisément ce qu'est une couleur.
Pourquoi mesurer une couleur ?
Pour pouvoir appliquer une démarche qualité. Une démarche qualité repose sur la mise en place d'un certain nombre de règles et contrôles au cours du processus de fabrication, dont le respect devrait garantir l'obtention d'un produit final conforme. Une part importante est la métrologie, qui consiste à mesurer des aspects physiques du produit en cours de fabrication et à vérifier le respect des tolérances fixées. Dès lors que le produit final est coloré, et que la couleur souhaitée au final est précise, nous avons besoin de mesurer la couleur.
Comment mesurer la couleur ?
La couleur est une grandeur surprenante au premier abord puisqu'elle s'exprime par trois nombres, alors que la plupart des grandeurs habituelles, distance, poids, etc., s'expriment par un seul nombre. La mesure la plus connue dans les arts graphique est la valeur Lab.
Pourquoi trois nombres ?
Parce que si l'on en utilise moins, on peut trouver des échantillons colorés qui portent le ou les deux même nombres, et dont un humain dit qu'ils sont différents, et inversement, si l'on en utilise quatre ou plus, on peut trouver des groupes de nombres différents pour lesquels l'humain ne voit pas de différence au niveau de la couleur associée. C'est par exemple le cas en CMYK (cyan, magenta, jaune, noir) où l'on peut ajouter du noir et retirer du cyan, du magenta et du jaune, et 'retomber' sur la même couleur.
Il existe deux techniques pour mesurer la couleur d'un objet non lumineux.
• Le colorimètre(1) éclaire l'objet avec une lumière blanche, et fait passer la lumière réfléchie par trois filtres, puis mesure les trois intensités reçues pour produire les trois nombres.
• Le spectrocolorimètre éclaire aussi l'objet avec une lumière blanche, et fait passer la lumière réfléchie dans un prisme, puis mesure l'intensité sur un grand nombre de plages de longueurs d'ondes. Quelques remarques importantes concernant ces deux types d'appareils :
• Le spectrocolorimètre, qui associe à un objet coloré une série de 30 nombres, voire plus, alors que nous avons indiqué précédemment que la couleur d'un objet se caractérise par uniquement trois, permet d'obtenir ces trois nombres par calcul.
• Le spectocolorimètre est un appareil plus stable dans le temps, car les filtres d'un colorimètre sont des éléments qui se détériorent beaucoup plus rapidement que les autres parties de l'appareil.
• Si au XXème siècle, un spectrocolorimètre coûtait 10000 et plus de nos euros actuels, le prix a maintenant chuté à 1000 euros. En conclusion, un spectrocolorimètre dispose de toutes les capacités d'un colorimètre, d'une meilleur stabilité dans le temps, et le prix n'est plus un élément discriminatoire, donc aujourd'hui, tout appareil de mesure de la couleur utilisé par un professionnel des arts graphiques est nécessairement un spectrocolorimètre.
Qu'est ce qu'un profil colorimétrique ?
Il existe différents procédés pour produire des couleurs. Les écrans d'ordinateurs, les imprimantes de bureautique, les systèmes industriels offset, flexo ou hélio, etc. Dans chaque système, la couleur produite dépend de quelques nombres fournis en entrée, et très liés à la physique du système. Par exemple, sur un écran cathodique, on utilisera trois nombres souvent notés RGB pour spécifier les quantités d'électrons à envoyer sur chacun des trois types de substances photo luminescentes présentes dans l'écran. Sur une imprimante bureautique, on utilisera quatre nombres indiquant les quantités d'encre cyan, magenta, jaune et noir à déposer sur le papier, et dans un procédé industriel, on pourra en utiliser plus si l'on fait intervenir des encres spéciales. Dans la suite de ce document, j'appellerai entrée les quelques nombres fournis au procédé pour obtenir une couleur.
Un profil colorimétrique, c'est un système de calcul qui, à partir d'une entrée pour procédé A, permet de déterminer l'entrée (la série de nombre) à utiliser dans le procédé B, pour obtenir la même couleur.
Il existe deux grandes catégories de profils.
Tout d'abord les profils de type recette de cuisine. Ils s'expriment sous la forme : vous prenez les nombres associés au procédé A, vous effectuez tel calcul, puis tel autre, etc., et à la fin vous obtenez les nombres associés au procédé B. Le problème avec cette manière de pratiquer, c'est qu'elle est contraire à l'esprit même de la qualité que nous avons rapidement évoqué au début de ce document. En effet, si après avoir appliqué la recette, l'échantillon produit par le procédé B n'a pas la même couleur que celui produit par le procédé A, vous n'avez aucun moyen de déterminer ce qui ne va pas.
A l'inverse, en adoptant l'esprit de la qualité, on peut travailler avec des demi-profils. Un demi-profil, c'est un tableau à deux colonnes. Dans la première on trouve des entrées (séries de nombres), et dans la seconde, on trouve la mesure de la couleur de l'échantillon produit quand on utilise l'entrée spécifiée en première colonne avec le procédé considéré. Ensuite, quand on veut convertir une couleur du procédé A au procédé B, on utilise un moteur graphique qui va utiliser le demi-profil associé au procédé A pour déterminer la mesure de la couleur que produira le procédé A, en interpolant les différentes mesures fournies dans le demi-profil associé au procédé A, puis va utiliser le demi-profil associé au procédé B, pour rechercher les nombres associés au procédé B qui, en interpolant les différentes mesures fournies dans le demi-profil associé au procédé B, produisent la même couleur. L'immense avantage de cette manière de procéder, c'est que comme vous avez pu le noter, on n'a pas fait un saut direct A -> B, mais A -> couleur -> B, donc on sait quelle est la couleur que l'on doit obtenir in fine, et on peut donc procéder à une mesure de contrôle, donc dérouler les procédures qualité habituelles.
Nous avons déterminé un second point important : tout profil professionnel, c'est à dire compatible avec une démarche qualité, se compose de deux demi-profils, où un demi-profil est une série de couples entrée -> couleur mesurée. Dit autrement, un demi-profil, c'est une charte sous forme numérique : une série d'entrées pour lesquelles on fournit la couleur associée.
Si l'on revient à la description du travail du moteur graphique qui exploite les deux demi-profils, le mot important à noter, c'est 'interpolation'. On ne fournit pas toutes les entrées possibles, mais seulement un petit nombre. Résumons les faits :
• Tout appareil de mesure professionnel de la couleur est un spectrocolorimètre qui associe à un échantillon trente ou plus nombres, appelés courbe spectrale, qui permettent de déduire par calcul les trois nombres, par exemple Lab, qui correspondent à la couleur perçue par un humain.
• La physique des encres sur papier fait que l'interpolation entre deux échantillons mesurés peut se calculer beaucoup plus précisément à partir des courbes spectrales qu'à partir des valeurs Lab. On en conclut que tout profil couleur destiné à un usage professionnel dans le secteur des arts graphiques est constitué de deux demi-profils, ou chaque demi-profil est une série de couples entrée -> courbe spectrale.
Sous quelle forme fournir un profil ?
Abordons le sujet par la pratique. Supposons pour cela que vous commandez à votre imprimeur un emballage qui sera imprimé en cinq couleurs : cyan, magenta, jaune, noir, et un vert frais.
Vous posez alors à votre photograveur la question suivante : "Si sur l'image de mon emballage, il existe un pavé avec 15% de jaune, 5% de noir et 30% de vert frais, quelle sera la couleur du pavé une fois imprimé ?"
Trois réponses possibles :
• Le photograveur ne peut rien répondre. Dans ce cas, il n'y a pas de contrôle qualité possible, et quel que soit le système de gestion de a couleur employé, nous pouvons affirmer qu'il ne correspond plus a l'état de l'art puisqu'il est incompatible avec une démarche qualité.
• Le photograveur ne peut spécifier que la couleur de l'échantillon une fois imprimé, par exemple en Lab. Dans ce cas, la démarche qualité est possible, mais le résultat annoncé sera faux la plupart du temps, car comme nous avons expliqué que la physique des encres fonctionne à partir de courbes spectrales, une interpolation à partir des valeurs Lab est forcément très approximative. Concrètement, cela signifie que le système de gestion de la couleur du photograveur fonctionne peut être correctement en quadri, en extrapolant un nombre d'échantillons plus grand que nécessaire pour compenser la faiblesse d'interpolation, mais en cinq couleurs ou plus, ce qui est le cas de l'exemple pratique choisi, le nombre d'échantillons nécessaires pour prédire correctement le résultat final avec un système d'interpolation approximatif serait trop grand, donc la qualité de prédiction du système de gestion de la couleur ne sera pas satisfaisante. En résumé, un système de gestion de la couleur qui ne peut prédire que les valeurs Lab et non les courbes spectrales est un système de gestion de la couleur limité à la quadri. • Le photograveur peut spécifier la courbe spectrale de l'échantillon une fois imprimé. Dans ce cas, via un simple script qui repose cette même question pour une série de valeurs, il peut générer un fichier texte simple contenant la correspondance entrée -> courbe spectrale pour toutes les valeurs possibles du cyan, du magenta, du jaune, du noir et du vert frais, par pas de 25% par exemple, c'est à dire un fichier à 5*5*5*5*5 = 3125 lignes.
La plateforme PackInTouch accepte tout fichier texte simple fournissant une série de couples entrée -> courbe spectrale, et ce qui précède montre que cela suffit pour être compatible avec tout système de gestion de la couleur adapté au secteur de l'emballage pour peu que l'on suppose que le secteur de l'emballage nécessite la possibilité de travailler en plus de quatre couleurs.
(1) On utilise aussi beaucoup dans l'imprimerie les densitomètres. Un densitomètre fonctionne comme un colorimètre avec une autre série de filtres, et ne donne qu'une valeur par couleur : la densité. Ce système de mesure est insuffisant pour juger la couleur, car si l'encre change on peut avoir une valeur de densité correcte et un résultat non conforme.
Remarque : la valeur de densité peut également être obtenue par calcul à partir de la mesure d'un spectrocolorimètre, donc l'approche moderne, c'est d'utiliser un spectrocolorimètre avec le logiciel adapté.
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